entretien avec LAURENCE FARON

mercredi 19 janvier 2011
par  Directeur
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 ENTRETIEN avec LAURENCE FARON,

Editrice de livres pour la jeunesse

’Non seulement le sexisme perdure dans les livres pour enfants  mais nous constatons même une recrudescence.’

 

Laurence Faron a fondé avec les éditions Talents Hauts qui publie de petits ouvrages tout à fait remarquables ! A lire vite !

E.P : Pourquoi avoir lancé une maison d’édition spécialisée dans la lutte contre le sexisme ? Quel constat faites-vous de la production éditoriale française dans ce domaine ?


L. FARON : En 2009, le sexisme n’a pas disparu de notre société. Il n’a pas non plus disparu des albums de jeunesse.

1 Statistiquement, il y a beaucoup moins d’héroïnes que de héros. Quand il y a une héroïne, elle est rarement en couverture.

2 Il y encore des stéréotypes qui se glissent « par inadvertance »(?)

Chaque sexe est représenté d’une façon caricaturale, avec des rôles ou des attributs traditionnels, souvent dévalorisants pour les femmes :

Les personnages féminins sont cantonnés dans des tâches domestiques ou familiales : mères, ménagères…

Les personnages masculins travaillent à l’extérieur : gagne-pain de la famille

Quand elles travaillent, les femmes sont cantonnés à 3 ou 4 métiers différents, typiquement « féminins » : institutrice, infirmière et hôtesse de l’air

Les personnages masculins des livres pour enfants exercent toute une palette de métiers variés et valorisés parmi lesquels pompier, médecin, pilote…

Très souvent, les personnages féminins sont à l’intérieur, dans des lieux privés, à la maison : besoin de sécurité mais aussi enfermement.

Les personnages masculins sont à l’extérieur, dans des lieux publics : goût du risque, capacité à entreprendre

Pour achever la caricature, les personnages féminins ont leur panoplie d’accessoires féminins liés au foyer et à la coquetterie : tablier, soupière, miroir et rubans…

Les accessoires masculins : fauteuil, lunettes, pipe, journal…

Les personnages féminins sont dans un rôle passif. Exemple Archétype la Belle au Bois Dormant qui dort pendant 100 ans avant d’être sauvée par un prince.

Tandis que les personnages masculins sont dans un rôle actif.

Les personnages féminins sont passifs : effrayées, sauvées par des personnages masculins super-actifs, super-héros.

Dans les livres de jeunesse, les enfants n’échappent pas à ces stéréotypes :

Les petites filles sont sages et aident leur maman… Reproduction.

Les petits garçons sont intrépides et font des bêtises.

Non seulement le sexisme perdure dans les livres pour enfants mais nous constatons même une recrudescence avec deux phénomènes :

3. Tout d’abord la « vague nostalgique » avec les rééditions des livres des années 50 qui connaissent un grand succès de librairie mais qui contiennent les stéréotypes de l’époque.

4. La tendance Lolita : Des livres qui apprennent aux petites filles à devenir des femmes-objets en leur donnant des conseils de beauté et en leur imposant le diktat de l’apparence.

 

E.P : Parallèlement à ce domaine de l’égalité sexuelle vous vous êtes spécialisé(e)s dans les livres mi français-mi anglais (et non pas bilingues), est-ce là aussi pour bâtir une pédagogie de l’empathie garante d’une meilleure efficience ?

 

L. FARON : Nos collections sont une réponse à une lacune.

1)Chez les enfants bilingues , il y a un décalage à l’écrit entre le niveau de la langue de scolarité (meilleur) et le niveau de l’autre langue : ils ont tendance à lire dans leur langue de scolarité. Il n’existe rien pour les faire progresser dans la langue plus faible à l’écrit.

2)les adolescents doivent lire en anglais. Un des objectifs de l’anglais (BO Anglais palier 2) est de donner le « goût de la lecture suivie en anglais », lire « de la littérature classique et moderne, des textes originaux »

Ce qui existe :

a) Les lectures parallèles : c’est à dire page de gauche en anglais, page de droite, traduction en français. Résultat : on triche ou on s’ennuie car on lit deux fois.

b) Les œuvres originales : souvent trop longues et trop difficiles. Les textes courts et accessibles sont peu nombreux, il y a peu de choix.

c) Les lectures condensées : un classique de la littérature anglo-saxonne résumé et réécrit. Résultat : ce n’est pas l’œuvre originale et c’est moins bien écrit.

Aucune de ces lectures n’est vraiment satisfaisante.

Les collections DUAL Books et mini DUAL Books, comme les collections pour les plus jeunes (Oops & Ohlala et Filou & Pixie) sont en effet conçues pour garder le plaisir de la lecture, de l’histoire et du jeu. Elle doivent aider les lecteur à lire de façon globale dans une langue étrangère, sans chercher à transposer dans sa propre langue, sans s’arrêter à chaque difficulté afin de garder le plaisir de la lecture.

E.P : Quel regard portez-vous sur l’évolution des rapports garçons-filles, hommes-femmes dans la société française actuelle, notamment en la confrontant à la situation au Canada ou dans les pays nordiques ?

L. FARON : Je ne connais pas suffisamment la société canadienne pour faire une réponse approfondie mais je remarque que l’album La princesse et le dragon paru chez Talents Hauts en 2005 est un album canadien qui n’était pas traduit en France alors même qu’il a trouvé un public de plusieurs millions de personnes en Amérique du Nord et est paru il y a ... 25 ans !

L’édition française est donc en retard et très frileuse sur ce sujet. Relativisons en remarquant que le mouvement hoministe est né au Canada aussi...

Quant aux pays scandinaves, ils comptent plusieurs maisons d’édition féministes dont certaines pour enfants. En France, Talents Hauts est le seul éditeur à s’être engagé sur ce sujet, les grands éditeurs se gardant bien de se priver d’une partie de la clientèle...

 

E.P : Dans les publicités, ce sont encore et toujours les femmes qui repassent et passent l’aspirateur, quelles ambitions et quels projets portez-vous pour faire évoluer les mentalités, les pratiques domestiques et la place respective des sexes dans les images véhiculées par les médias ?

L. FARON : Nous agissons avec nos moyens professionnels. Notre métier est de faire des livres, c’est donc par ce moyen que nous essayons d’apporter notre pierre à l’édifice de l’égalité. En nous adressant plus particulièrement aux jeunes enfants, nous tentons de prendre le mâle à la racine (avec jeu de mots).


E.P : Comment vous est venue l’idée de donner ce nom ’Talents Hauts’ à votre maison d’édition ?

 

L. FARON :Nous voulions un nom qui reflète notre engagement mais ne nous enferme pas dans le genre littérature jeunesse. Il a été trouvé par une professionnelle. Précisons qu’il s’agit des talents de nos auteurs et illustrateurs que nous portons haut. Et Un petit clin d’œil n’est pas pour nous déplaire.

visitez le site : www.talentshauts.fr

 

 

 


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