entretien avec JUN MOROHASHI

mercredi 19 janvier 2011
par  Directeur
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ENTRETIEN avec JUN MOROHASHI

Spécialiste du programme à l’UNESCO

’Il ne sert à rien de promouvoir l’éducation aux droits de l’homme, si ces droits ne sont pas respectés à l’égard de tous, en dehors de l’école, au sein de la société.’

EP : De votre place, quel bilan tirez-vous du programme des Nations Unies d’éducation aux droits de l’homme et de ses prolongements ?  

 

Jun Morohashi : Le Programme mondial pour l’éducation aux droits de l’homme est un cadre d’action qui a été adopté par l’Assemblée générale de l’ONU le 10 décembre 2004 afin d’être lancé en janvier 2005. Fondé sur les principes et les cadres fixés par les instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme, le Programme mondial s’appuie également sur le travail accompli au cours de la Décennie des Nations Unies pour l’éducation dans le domaine des droits de l’homme (1995-2004). 

Le Programme mondial a pour objectifs, en particulier, de promouvoir le développement d’une culture des droits de l’homme à travers toutes les sociétés, de dégager un consensus à partir des instruments internationaux sur les méthodes et principes fondamentaux d’éducation aux droits de l’homme, et de renforcer le partenariat et la coopération à tous les niveaux. 

Le Programme mondial, en offrant un cadre d’action commun aux différentes parties prenantes, comprend plusieurs phases, dont la première (2005-2009) est axée sur les systèmes d’enseignement primaire et secondaire. Le Plan d’action pour la première phase vise à encourager l’adoption d’une approche fondée sur les droits dans l’ensemble du système éducatif au niveau national. La responsabilité de la mise en œuvre au niveau national incombe au premier chef au Ministère de l’éducation ou à une institution équivalente dans chaque pays. Pour assurer un suivi effectif, les Ministères de l’éducation de tous les Etats membres de l’ONU ont été invités à nommer un point focal. Bien que nombreuses initiatives aient été lancées par les acteurs de la société civile, cette institutionnalisation de l’Education aux Droits de l’Homme au niveau gouvernemental était une étape importante dans les efforts internationaux qui vise à intégrer l’EDH dans le système scolaire. Un mécanisme de coordination inter-agence (UNIACC) a été également mis en place auquel l’UNESCO s’associe étroitement

A l’heure actuelle, 86 pays, y compris la France, ont partagé, dans le cadre du Programme mondial, l’information sur leurs initiatives nationales en matière de droits de l’homme aux niveaux primaire et secondaire. Beaucoup de pays ont développé des initiatives et des programmes indépendamment du Programme mondial, mais nous considérons le Programme mondial comme un cadre d’action commun de l’ONU qui permet aux Etats de s’échanger et de coopérer dans ce domaine. C’est un processus de longue haleine et les efforts qui ont émergé au cours de la première phase ne devront pas s’arrêter avec la fin de la première phase. Actuellement un exercice d’évaluation de cette première phase est en cours sous la coordination du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Pour information, la 2e phase (2010-2013) est axée sur l’enseignement supérieur et sur la formation aux droits de l’homme des enseignants et des éducateurs, des fonctionnaires de l’État, des responsables de l’application des lois et du personnel militaire à tous les niveaux. La résolution du Conseil des droits de l’homme encourage les États qui n’ont pas encore pris de mesures pour incorporer l’éducation aux droits de l’homme dans les systèmes d’enseignement primaire et secondaire à faire le nécessaire, conformément au plan d’action pour la première phase du Programme mondial. (réf : A/HRC/RES/12/4) 

E.P : En ce moment-même le Conseil des Droits de l’Homme discute d’un programme d’éducation et de formation aux droits de l’Homme : Le réseau des écoles associées à l’UNESCO apporte-t-il une contribution et si oui, sous quelle forme ?  

Jun Morohashi : La Déclaration, une fois adoptée par le Conseil des droits de l’homme, sera un acquis politique international important qui donnera une impulsion au mouvement en faveur de l’éducation aux droits de l’homme. Le projet de la déclaration essaie surtout d’établir un consensus sur la définition d’une éducation aux droits de l’homme et clarifier le partage des responsabilités entre les différentes parties prenantes. 

C’est le rôle de l’UNESCO de jouer une interface entre les communautés de politiques, de recherche et de pratiques en mobilisant ses partenaires, y compris le réSEAU. Le rôle du réSEAU serait de continuer à démontrer les pratiques au niveau des classes - qui est la traduction de tous ces cadres et instruments adoptés au niveau global afin de répondre aux enjeux éducationnels et sociaux. Les écoles associées pourraient renforcer le mécanisme de partage des expériences et des idées concernant les méthodologies innovatrices de l’enseignement et de l’apprentissage au sein des classes, la formation des enseignants et du personnel éducatif, etc. Cet aspect pratique pourrait nourrir par la suite la recherche et la formulation des politiques dans le domaine de l’EDH.

’Le système éducatif, d’une manière générale, a focalisé pendant longtemps sur les connaissances, et pas suffisamment sur les compétences et les aptitudes qui permettent aux élèves d’apprendre à vivre ensemble dans le respect et la paix ’

 

E.P : L’article 29 de la DUDH a pu être interprété comme la reconnaissance de la nécessité d’une éducation aux droits de l’homme, la responsabilité de tout individu envers sa communauté étant de promouvoir et d’assurer le respect des droits fondamentaux de chacun, qu’en pensez-vous ? 

Jun Morohashi : Il faut que la promotion de l’EDH soit accompagnée par le travail en parallèle du renforcement du respect et de la défense des droits de l’homme à travers toutes les sociétés. Je pense qu’il ne sert à rien de promouvoir l’éducation aux droits de l’homme, si ces droits ne sont pas respectés à l’égard de tous, en dehors de l’école, au sein de la société. Par exemple, les élèves qui sont amenés à apprendre à vivre ensemble au sein de l’école ne pourront jamais être convaincus par la valeur de cet enseignement s’ils se sentent exclus ou discriminés en dehors. 

La réalisation du monde plus juste et inclusif

est l’affaire de tous

La réalisation du monde plus juste et inclusif est l’affaire de tous. Il est très important de sensibiliser et former les leaders d’opinion qui ont le pouvoir et l’influence (i ;e. politiciens, leaders religieux, média, etc.). Cela fait également partie de la responsabilité citoyenne des organisations professionnelles et syndicales, des associations de la société civile et du secteur privé. Cela constitue enfin un devoir éthique et moral pour les individus. 

E.P : En quoi, selon vous, cette responsabilité des individus dans ce domaine peut-elle fonder le fondement d’une citoyenneté mondiale, telle que l’avait posée René Cassin et plusieurs de ses contemporains ?

Jun Morohashi : Avant d’arriver au fondement d’une citoyenneté mondiale, il faut d’abord que chaque individu s’approprie des droits fondamentaux - en les mettant en relation avec ce qu’il/elle vit réellement. Il ne faut pas que l’enseignement aux droits de l’homme se limite à l’acquisition des connaissances. Il est également important de créer des conditions d’apprentissage en faveurs des droits de l’homme pour optimiser l’acquisition des compétences nécessaires pour promouvoir, défendre et appliquer les droits de l’homme au quotidien. Les connaissances acquises et la façon dont elles sont acquises devraient favoriser la participation des apprenants en tant que citoyen actif « mondial » dans les discussions et les actions qui concernent les défis à l’échelle internationale telle que la lutte contre la pauvreté, le développement durable, etc. 

E.P : Dans le dernier numéro de la revue internationale d’éducation est présenté un tableau des nouveaux standards du système éducatif japonais : l’estime de soi, la capacité d’entretenir des relations paisibles et constructives avec les autres y prennent la place la plus importante. Quelle influence pensez-vous que ce modèle japonais puisse avoir sur les autres systèmes éducatifs ? Quels problèmes spécifiques est-il censé résoudre ?

Jun Morohashi :Le système éducatif de chaque pays, d’une manière générale, a focalisé pendant longtemps sur les connaissances, et pas suffisamment sur les compétences et les aptitudes qui permettent aux élèves d’apprendre à vivre ensemble dans le respect et la paix et à pleinement participer à la vie de la société où ils vivent. L’objectif ultime de l’EDH est justement d’instaurer un système éducatif basé sur les principes des droits de l’homme et de la démocratie et les valeurs telles que le respect, la tolérance, la non-violence, qui vise à développer chez les étudiants les compétences nécessaires pour promouvoir, défendre et mettre en œuvre les droits de l’homme au quotidien. A travers l’EDH, ils apprennent à gérer les conflits et prévenir la violence et la discrimination au sein d’école, mais aussi en famille et dans la société.

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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